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La scolarisation des enfants porteurs de Trisomie 21, un défi majeur en France

Clotilde Jenoudet-Henrion, maman d’un enfant de 12 ans porteur de Trisomie 21, a créé l’association Prête-moi tes ailes à Lyon pour lutter contre l’isolement des familles touchées par le handicap cognitif par le biais de la rencontre et du répit. Elle témoigne des difficultés rencontrées par les familles pour scolariser les enfants ayant une Trisomie 21 et nous explique l’ambition du projet ‘Respire ! Soutien scolaire’ soutenu par le Fonds de dotation bioMérieux pour l’Éducation.

Vous faites le constat que la scolarisation des enfants porteurs de Trisomie 21 est difficile en France, bien qu’elle soit obligatoire. Comment l’expliquez-vous ?

Les difficultés commencent dès la maternelle, avec la constitution d’un dossier auprès de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH), le guichet unique d'accès simplifié aux droits et prestations pour les personnes handicapées. Ce dossier est très lourd : il faut rencontrer l’équipe éducative, réunir tous les professionnels qui s’occupent de l’enfant, faire une demande de scolarisation en école ordinaire et une demande d’accompagnement par un Accompagnant d'Élève en Situation de Handicap (AESH). Les MDPH doivent gérer un grand nombre de dossiers, ce qui entraîne très fréquemment des retards.

De plus, si un accompagnement est accordé, il faut ensuite que l’école recrute un AESH sur le temps de prise en charge de l’enfant. Il n’est pas rare que l’AESH soit recruté en cours d’année, en temps partiel, ce qui limite les possibilités de scolarisation des enfants. Ainsi, ils sont parfois accueillis uniquement le matin, et rarement sur le temps de cantine pour ne pas amputer sur les heures de temps scolaire. Il arrive aussi que des écoles refusent de scolariser des enfants porteurs de Trisomie 21 faute d’AESH. Ce dossier MDPH doit être renouvelé régulièrement, notamment en cas de changement de niveau scolaire ou en cas de demande de maintien dans une classe en fin de cycle si l’enfant n’est pas prêt à changer de niveau. 

Que se passe-t-il après l’école primaire ? Les difficultés sont-elles identiques au collège et au lycée ?

Il est assez rare que des jeunes porteurs de Trisomie 21 poursuivent leurs études au lycée car ils s’orientent plus souvent vers des filières professionnalisantes. Au collège, ces jeunes peuvent être accueillis dans des classes Ulis si les parents en font la demande à la MDPH. Ces Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire permettent la scolarisation dans le milieu ordinaire.

Toutefois, les classes Ulis n’existent pas partout et les MDPH préconisent souvent  de scolariser les enfants et adolescents en situation de handicap mental en Institut Médico-Éducatif (IME). Beaucoup de parents ont des a priori sur ces établissements, car ils craignent l’entre-soi, que leur enfant soit tiré vers le bas en étant entouré d’enfants en situation de handicap. J’avais moi-même des réserves, mais je peux aujourd’hui témoigner du contraire : depuis que mon fils, est en IME, il a beaucoup progressé dans l’apprentissage de la parole et de l’autonomie. Il s’est fait des amis qui connaissent les mêmes problématiques que lui et il se sent bien dans cet environnement où la relation est simplifiée.

Les enfants sont complémentaires et s'apportent beaucoup : certains sont bons en sport ou en arts, d'autres sont habiles de leurs mains, tandis que certains ont une grande logique. Comme dans le cas d’un cursus scolaire classique, il faut s’adapter à ce que les enfants peuvent faire et veulent faire ; on parle d’autodétermination. L’inclusion à tout prix dans le milieu ordinaire peut avoir des conséquences réelles pour les enfants et créer/engendrer de réelles difficultés. Mettre un enfant en IME n’est pas une punition ou un échec. Au contraire, c’est lui donner ses chances ! D’autant que l’IME peut aussi être une passerelle pour rejoindre ensuite le milieu ordinaire.

Qu’est-ce qui pourrait être fait selon vous pour lever les freins à la scolarisation des enfants porteurs de Trisomie 21 ?

C’est une question de fond, très compliquée. Pour ces enfants et même pour tous les enfants, il me semble qu’il faudrait changer la façon d’apprendre. En mettant en commun les méthodes du milieu adapté du secteur médico-social dans le milieu ordinaire, on tirerait tout le monde vers le haut.

Actuellement, on développe un millefeuille de solutions, on recrute des AESH, on crée des classes Ulis, on demande aux IME d’externaliser des classes dans les écoles de leur ville, pour essayer de compenser le fait que notre système éducatif est fait pour ceux qui y arrivent et non pas pour ceux qui sont en difficulté. Il faudrait aller vers une politique d’accompagnement plutôt qu'une approche simplement médicale pour soutenir ces enfants qui peuvent devenir des adultes autonomes, travailler, qui ont le droit de vote et sont acteurs de notre société.

Avez-vous connaissance de dispositifs dont la France pourrait s’inspirer ?

La Belgique est souvent citée en exemple car tous les enfants sont accueillis en école ordinaire. Les enseignants sont formés et ont l’habitude de recevoir des enfants avec des handicaps mentaux ou moteurs et des troubles du neurodéveloppement. Les pays nordiques sont quant à eux connus pour être les champions car leur système scolaire est adapté à tous.

Votre association, Prête-moi tes ailes, porte le projet Respire ! Soutien scolaire, grâce au soutien du Fonds de dotation bioMérieux pour l’Éducation. En quoi consiste-t-il ?

Ce projet pilote de soutien scolaire s’inspire d’une classe qui a fait cela pendant longtemps. Il s’agit d’un « pansement » pour aider les enfants porteurs de Trisomie 21 peu, ou pas, scolarisés car en attente de place au sein d’un établissement. Il faut savoir que pour ces enfants, tout va plus doucement : les informations leur arrivent brouillées, ils peinent à les analyser. L’apprentissage est donc long et doit être continu car ils désapprennent et régressent rapidement. Ils peuvent par exemple mettre 15 ans à apprendre à lire mais ils peuvent apprendre à lire !

Le soutien scolaire permet une continuité dans l’apprentissage, malgré les trous dans la scolarité, afin de maintenir les acquis. Notre tiers-lieu Respire ! devrait ouvrir en janvier 2026 dans le 9e arrondissement de Lyon. Il permettra d’offrir aux familles du répit, des rencontres et des ressources, dont les activités de soutien scolaire. Au démarrage, ce sont 8 enfants qui pourront être accompagnés, puis 16 en 2027. Nos bénévoles seront accompagnés par une institutrice spécialisée en handicap cognitif et Trisomie 21.

Nous envisageons aussi des partenariats avec des écoles d’orthophonistes. L’objectif de Respire ! Soutien scolaire est donc à la fois d’apporter aux enfants le soutien scolaire dont ils ont besoin et de décharger les parents de ce temps d’accompagnement en le confiant à une structure dédiée. Alléger leur charge mentale, libérer leur esprit pour qu’ils se sentent soutenus et moins seuls.

Clotilde

Quelques mots sur la Trisomie 21

La Trisomie 21 (T21), appelée également Syndrome de Down, est une anomalie congénitale chromosomique. Les personnes porteuses de Trisomie 21 ont 3 chromosomes 21 au lieu de 2. C’est l’une des anomalies chromosomiques les plus fréquentes : elle concerne environ 1 grossesse sur 400 et environ 500 bébés naissent chaque année avec une T21 en France. On estime à 8 millions le nombre de personnes avec T21 dans le monde.
Les conséquences physiques et physiologiques de cette anomalie génétique varient selon les personnes. Il peut s’agir de signes morphologiques, d’une baisse du tonus musculaire, de troubles de la croissance, de malformations, d’une déficience intellectuelle ou encore d’un retard de développement psychomoteur.


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